lunes, 28 de mayo de 2012

ÉMILE VERHAEREN (Bélgica 1855-1916)
L'arbre

Tout seul,
Que le berce l'été, que l'agite l'hiver,
Que son tronc soit givré ou son branchage vert,
Toujours, au long des jours de tendresse ou de haine,
Il impose sa vie énorme et souveraine
Aux plaines.

Il voit les mêmes champs depuis cent et cent ans
Et les mêmes labours et les mêmes semailles;
Les yeux aujourd'hui morts, les yeux
Des aïeules et des aïeux
Ont regardé, maille après maille,
Se nouer son écorce et ses rudes rameaux.
Il présidait tranquille et fort à leurs travaux;
Son pied velu leur ménageait un lit de mousse;
Il abritait leur sieste à l'heure de midi
Et son ombre fut douce
A ceux de leurs enfants qui s'aimèrent jadis.

Dès le matin, dans les villages,
D'après qu'il chante ou pleure, on augure du temps;
Il est dans le secret des violents nuages
Et du soleil qui boude aux horizons latents;
Il est tout le passé debout sur les champs tristes,
Mais quels que soient les souvenirs
Qui, dans son bois, persistent,
Dès que janvier vient de finir
Et que la sève, en son vieux tronc, s'épanche,
Avec tous ses bourgeons, avec toutes ses branches,
-Lèvres folles et bras tordus
Il jette un cri immensément tendu
Vers l'avenir.

Alors, avec des rais de pluie et de lumière,
Il frôle les bourgeons de ses feuilles premières,
Il contracte ses noeuds, il lisse ses rameaux ;
Il assaille le ciel, d'un front toujours plus haut;
Il projette si loin ses poreuses racines
Qu'il épuise la mare et les terres voisines
Et que parfois il s'arrête, comme étonné
De son travail muet, profond et acharné.

Mais pour s'épanouir et régner dans sa force,
Ô les luttes qu'il lui fallut subir, l'hiver!
Glaives du vent à travers son écorce.
Cris d'ouragan, rages de l'air,
Givres pareils à quelque âpre limaille,
Toute la haine et toute la bataille,
Et les grêles de l'Est et les neiges du Nord,
Et le gel morne et blanc dont la dent mord,
jusqu'à l'aubier, l'ample écheveau des fibres,
Tout lui fut mal qui tord, douleur qui vibre,
Sans que jamais pourtant
Un seul instant
Se ralentît son énergie
A fermement vouloir que sa vie élargie
Fût plus belle, à chaque printemps.

En octobre, quand l'or triomphe en son feuillage,
Mes pas larges encore, quoique lourds et lassés,
Souvent ont dirigé leur long pèlerinage
Vers cet arbre d'automne et de vent traversé.
Comme un géant brasier de feuilles et de flammes,
Il se dressait, superbement, sous le ciel bleu,
Il semblait habité par un million d'âmes
Qui doucement chantaient en son branchage creux.
J'allais vers lui les yeux emplis par la lumière,
Je le touchais, avec mes doigts, avec mes mains,
Je le sentais bouger jusqu'au fond de la terre
D'après un mouvement énorme et surhumain ;
Et J'appuyais sur lui ma poitrine brutale,
Avec un tel amour, une telle ferveur,
Que son rythme profond et sa force totale
Passaient en moi et pénétraient jusqu'à mon coeur.

Alors, j'étais mêlé à sa belle vie ample ;
Je me sentais puissant comme un de ses rameaux;
Il se plantait, dans la splendeur, comme un exemple;
J'aimais plus ardemment le sol, les bois, les eaux,
La plaine immense et nue où les nuages passent;
J'étais armé de fermeté contre le sort,
Mes bras auraient voulu tenir en eux l'espace;

Mes muscles et mes nerfs rendaient léger mon corps
Et je criais : " La force est sainte.
Il faut que l'homme imprime son empreinte
Tranquillement, sur ses desseins hardis:
Elle est celle qui tient les clefs des paradis
Et dont le large poing en fait tourner les portes".
Et je baisais le tronc noueux, éperdument,
Et quand le soir se détachait du firmament,
je me perdais, dans la campagne morte,
Marchant droit devant moi, vers n'importe où,
Avec des cris jaillis du fond de mon coeur fou.

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EL ÁRBOL

Completamente solo,
que lo agite el invierno o el estío lo meza,
que se escarche su tronco
o con verdes ramajes aparezca,
siempre, tras de los días
del odio o la ternura,
se impone con su vida,
enorme y soberana, a las llanuras.

Desde cientos y cientos de años,
mira los mismos campos,
y las mismas labores y los mismos sembrados;
los ojos hoy muertos, los ojos
de los abuelos más remotos,
pudieron contemplar, punto por punto,
su corteza anudarse
así como sus rudos
ramajes.

Presidía, tranquilo y fuerte sus trabajos;
les ofrecía su pie velludo
lecho de musgo;
resguardaba la siesta en melodías cálidos
y fue dulce su sombra
a sus hijos que unieronse en idílicas horas.

Desde el amanecer, en las aldeas,
según cante o llore, ya se augura el tiempo;
está en el secreto
de las nubes violentas
y del sol disgustado
en horizontes llenos de latencias;
erguido en medio de los campos
es todo lo pasado;
pero sean cuales fueren los recuerdos
que en su bosque se guardan
desde que termina enero
y que la savia se expande dentro de su tronco viejo,
con el haz de los retoños y el manojo de las ramas,
-labios locos y brazos retorcidos-
lanza un grito,
inmensamente, al porvenir tendido.

Entonces, con rayos
de luz y lluvia fija los tejidos
de hojas temblorosas, alisa las ramas,
contrae los nudos, empuja en el cielo vencido
su frente cada vez más alta;
y tan lejos proyecta
las raíces porosas
que el pantano agota
y agota las próximas tierras.
De repente,
con asombro se detiene
por su trabajo,
mudo,
profundo,
encarnecido.

Pero para expandirse y reinar con su fuerza,
¡oh, cuántas luchas tuvo que afrontar en invierno!
Las espadas del viento
al través la corteza,
del huracán los choques, las cóleras del aire,
la escarcha semejante
a limaduras ásperas;
todo el odio y toda la batalla,
los granizos del Este y las nieves del Norte,
la helada blanca y tétrica, con dientes mordedores
del alburno que es amplia madeja de las fibras,
se hace mal que retuerce y es dolor con que vibra,
sin que un sólo instante, en una
ocasión, su energía disminuya
en anhelar firmemente, llegue cada vez más bella
la primavera.

Cuando triunfa, en octubre, el oro en su follaje,
mis pasos, todavía extensos, más pesados,
frecuentemente hicieron largo peregrinaje
a ese árbol que el Otoño y el viento atravesaron.
Cual brasero gigante de hojas y de llamas,
bajo el azul del cielo, tranquilo se elevaba,
pareciendo habitado por un millón de almas
que en su ramaje hueco dulcemente cantaban.

Iba hacia él, los ojos llenos de luz. Mis dedos,
mis manos lo tocaban. Sentía el movimiento
sobrehumano, enorme, que agitaba su cuerpo
y mi pecho bestial sobre él se apoyaba
con tal amor, con tal fervor,
que su ritmo profundo y su fuerza apretada
me penetraban hasta dentro del corazón.
Estaba mezclado entonces a su vida bella y amplia;
con él me encontraba unido como una de sus ramas;
entre esplendor, él se erguía como magnífico ejemplo;
y yo amaba más ardientemente las agua, el cielo,
los bosques, el llano inmenso, por donde las nubes pasan.

De firmeza estaba armado
contra el destino. Mis brazos
deseaban sostener todo el espacio.
Mis músculos y mis nervios
me aligeraban el cuerpo.
Y yo gritaba:
“La fuerza es santa”

Es necesario que el hombre imprima violentamente
las huellas en sus propósitos audaces.Ella posee
las llaves de paraísos. Su puño abre las puertas.
Frenéticamente, yo besaba el tronco con nudos
y, cuando del firmamento se desprendía la tarde
me perdía en la campaña muerta.
Hacia cualquier punto encaminaba los pasos, siempre adelante
Y lo hondo de mi corazón lanzaba gritos, mi corazón loco.


Versión castellana: Julio Raúl Mendilabarsu (Revista Pegaso, mayo 1920)
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