ÉMILE VERHAEREN (Bélgica 1855-1916)
L'arbre
L'arbre
Tout
seul,
Que le
berce l'été, que l'agite l'hiver,
Que son tronc soit
givré ou son branchage vert,
Toujours, au long
des jours de tendresse ou de haine,
Il impose sa vie
énorme et souveraine
Aux plaines.
Il voit les mêmes champs
depuis cent et cent ans
Et les mêmes labours
et les mêmes semailles;
Des aïeules et des
aïeux
Ont regardé, maille
après maille,
Se nouer
son écorce et ses rudes rameaux.
Il
présidait tranquille et fort à leurs travaux;
Son pied
velu leur ménageait un lit de mousse;
Il
abritait leur sieste à l'heure de midi
Et son
ombre fut douce
A ceux
de leurs enfants qui s'aimèrent jadis.
Dès le matin, dans
les villages,
D'après qu'il
chante ou pleure, on augure du temps;
Il est dans le
secret des violents nuages
Et du soleil qui
boude aux horizons latents;
Il est
tout le passé debout sur les champs tristes,
Mais
quels que soient les souvenirs
Qui,
dans son bois, persistent,
Dès que
janvier vient de finir
Et que
la sève, en son vieux tronc, s'épanche,
Avec tous ses
bourgeons, avec toutes ses branches,
-Lèvres folles et
bras tordus
Il jette un cri
immensément tendu
Vers l'avenir.
Alors,
avec des rais de pluie et de lumière,
Il frôle
les bourgeons de ses feuilles premières,
Il contracte ses noeuds,
il lisse ses rameaux ;
Il assaille le
ciel, d'un front toujours plus haut;
Il
projette si loin ses poreuses racines
Qu'il
épuise la mare et les terres voisines
Et que
parfois il s'arrête, comme étonné
De son
travail muet, profond et acharné.
Mais pour s'épanouir
et régner dans sa force,
Ô les
luttes qu'il lui fallut subir, l'hiver!
Glaives
du vent à travers son écorce.
Cris d'ouragan,
rages de l'air,
Givres
pareils à quelque âpre limaille,
Toute la
haine et toute la bataille,
Et les
grêles de l'Est et les neiges du Nord,
Et le
gel morne et blanc dont la dent mord,
jusqu'à
l'aubier, l'ample écheveau des fibres,
Tout lui
fut mal qui tord, douleur qui vibre,
Sans que
jamais pourtant
Un seul
instant
Se
ralentît son énergie
A fermement
vouloir que sa vie élargie
Fût plus belle, à
chaque printemps.
En
octobre, quand l'or triomphe en son feuillage,
Mes pas
larges encore, quoique lourds et lassés,
Souvent ont dirigé
leur long pèlerinage
Vers cet
arbre d'automne et de vent traversé.
Comme un
géant brasier de feuilles et de flammes,
Il se dressait,
superbement, sous le ciel bleu,
Il
semblait habité par un million d'âmes
Qui doucement chantaient
en son branchage creux.
J'allais
vers lui les yeux emplis par la lumière,
Je le
touchais, avec mes doigts, avec mes mains,
Je le
sentais bouger jusqu'au fond de la terre
D'après
un mouvement énorme et surhumain ;
Et
J'appuyais sur lui ma poitrine brutale,
Avec un
tel amour, une telle ferveur,
Que son
rythme profond et sa force totale
Passaient
en moi et pénétraient jusqu'à mon coeur.
Alors,
j'étais mêlé à sa belle vie ample ;
Je me
sentais puissant comme un de ses rameaux;
Il se
plantait, dans la splendeur, comme un exemple;
J'aimais
plus ardemment le sol, les bois, les eaux,
La
plaine immense et nue où les nuages passent;
J'étais
armé de fermeté contre le sort,
Mes bras
auraient voulu tenir en eux l'espace;
Mes
muscles et mes nerfs rendaient léger mon corps
Et je criais
: " La force est sainte.
Il faut
que l'homme imprime son empreinte
Tranquillement,
sur ses desseins hardis:
Elle est
celle qui tient les clefs des paradis
Et dont
le large poing en fait tourner les portes".
Et je
baisais le tronc noueux, éperdument,
Et quand
le soir se détachait du firmament,
je me perdais,
dans la campagne morte,
Marchant droit
devant moi, vers n'importe où,
Avec des cris
jaillis du fond de mon coeur fou.
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EL ÁRBOL
Completamente
solo,
que lo
agite el invierno o el estío lo meza,
que se
escarche su tronco
o con
verdes ramajes aparezca,
siempre,
tras de los días
del odio
o la ternura,
se
impone con su vida,
enorme y
soberana, a las llanuras.
Desde
cientos y cientos de años,
mira los
mismos campos,
y las
mismas labores y los mismos sembrados;
los ojos
hoy muertos, los ojos
de los
abuelos más remotos,
pudieron
contemplar, punto por punto,
su
corteza anudarse
así como
sus rudos
ramajes.
Presidía,
tranquilo y fuerte sus trabajos;
les ofrecía
su pie velludo
lecho de
musgo;
resguardaba
la siesta en melodías cálidos
y fue
dulce su sombra
a sus
hijos que unieronse en idílicas horas.
Desde el
amanecer, en las aldeas,
según cante
o llore, ya se augura el tiempo;
está en
el secreto
de las
nubes violentas
y del
sol disgustado
en
horizontes llenos de latencias;
erguido
en medio de los campos
es todo lo
pasado;
pero
sean cuales fueren los recuerdos
que en
su bosque se guardan
desde
que termina enero
y que la
savia se expande dentro de su tronco viejo,
con el
haz de los retoños y el manojo de las ramas,
-labios
locos y brazos retorcidos-
lanza un
grito,
inmensamente,
al porvenir tendido.
Entonces,
con rayos
de luz y
lluvia fija los tejidos
de hojas
temblorosas, alisa las ramas,
contrae
los nudos, empuja en el cielo vencido
su
frente cada vez más alta;
y tan
lejos proyecta
las
raíces porosas
que el
pantano agota
y agota
las próximas tierras.
De repente,
con
asombro se detiene
por su
trabajo,
mudo,
profundo,
encarnecido.
Pero
para expandirse y reinar con su fuerza,
¡oh,
cuántas luchas tuvo que afrontar en invierno!
Las
espadas del viento
al través
la corteza,
del
huracán los choques, las cóleras del aire,
la
escarcha semejante
a
limaduras ásperas;
todo el
odio y toda la batalla,
los
granizos del Este y las nieves del Norte,
la
helada blanca y tétrica, con dientes mordedores
del
alburno que es amplia madeja de las fibras,
se hace
mal que retuerce y es dolor con que vibra,
sin que un
sólo instante, en una
ocasión,
su energía disminuya
en
anhelar firmemente, llegue cada vez más bella
la
primavera.
Cuando
triunfa, en octubre, el oro en su follaje,
mis pasos,
todavía extensos, más pesados,
frecuentemente
hicieron largo peregrinaje
a ese
árbol que el Otoño y el viento atravesaron.
Cual
brasero gigante de hojas y de llamas,
bajo el azul
del cielo, tranquilo se elevaba,
pareciendo
habitado por un millón de almas
que en
su ramaje hueco dulcemente cantaban.
Iba
hacia él, los ojos llenos de luz. Mis dedos,
mis manos
lo tocaban. Sentía el movimiento
sobrehumano,
enorme, que agitaba su cuerpo
y mi
pecho bestial sobre él se apoyaba
con tal
amor, con tal fervor,
que su
ritmo profundo y su fuerza apretada
me
penetraban hasta dentro del corazón.
Estaba
mezclado entonces a su vida bella y amplia;
con él me
encontraba unido como una de sus ramas;
entre
esplendor, él se erguía como magnífico ejemplo;
y yo
amaba más ardientemente las agua, el cielo,
los
bosques, el llano inmenso, por donde las nubes pasan.
De
firmeza estaba armado
contra el
destino. Mis brazos
deseaban
sostener todo el espacio.
Mis
músculos y mis nervios
me aligeraban
el cuerpo.
Y yo
gritaba:
“La
fuerza es santa”
Es necesario que el hombre imprima violentamente
las huellas en sus propósitos audaces.Ella posee
las llaves de paraísos. Su puño abre las puertas.
las llaves de paraísos. Su puño abre las puertas.
Frenéticamente, yo besaba el tronco con nudos
y, cuando del firmamento se desprendía la tarde
me perdía en la campaña muerta.
Hacia cualquier punto encaminaba los pasos, siempre
adelante
Y lo hondo de mi corazón lanzaba gritos, mi corazón loco.
Versión castellana: Julio Raúl Mendilabarsu (Revista Pegaso, mayo 1920)
Versión castellana: Julio Raúl Mendilabarsu (Revista Pegaso, mayo 1920)
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