NÂZIM HIKMET (Turquía, 1901-1963)
Sofía Je suis entré à Sofia par un jour de printemps, mon amour.
La ville où tu naquis fleure le parfum du tilleul.
Je parcours un monde sans toi
Telle est ma destinée
Je n’y puis rien changer.
A Sofia l’arbre vient avant la pierre, l’arbre est plus beau que la pierre
A Sofia l’arbre et l’homme sont mêlés l’un à l’autre
Le peuplier surtout
Toujours sur le point de pénétrer dans votre chambre
de s’asseoir sur le tapis rouge...
Est-ce une grande ville que Sofia, me demandes-tu ?
Les villes, mon amour, sont grandes non par leurs rues
Mais par les poètes dont elles ont dressé la statue
Sofia est une grande ville...
Ici quand vient le soir tout le monde se répand dans les rues
Femmes, enfants, vieillards et jeunes gens
Des rires, des bruits, un bourdonnement,
une rumeur de long en large
Côte à côte, bras dessus, bras dessous, la main dans la main...
A Istanbul, à Chehsadebachi, les soirs de ramadan
- Tu n’as point connu ce temps-là, Munevver –
On se promenait ainsi, jadis.
Mais ces jours-là sont révolus
Si j’étais à Istanbul maintenant
y songerait-je seulement ?
Mais loin d’Istanbul
Tout est pour moi prétexte à nostalgie,
Même le parloir de la prison d’Uskudar.
Je suis entré à Sofia par un jour de printemps, mon amour
La ville où tu naquis fleure le parfum de tilleul
Je ne saurais te décrire l’accueil de tes concitoyens,
La ville où tu naquis est pour moi la maison d’un frère.
Mais la maison d’un frère ne saurait vous faire
oublier votre propre maison
C’est un dur métier que l’exil, bien dur.
Varna, 24 Mai 1957
Traduit du turc par Hasan Gureh In, «Nâzim Hikmet, anthologie poétique» Scandéditions, 1993
SofíaEntré en Sofía un día de primavera, mi amor.
La ciudad donde naciste huele a tilo.
Recorro un mundo sin ti
Este es mi destino
No puedo cambiar nada.
En Sofía el árbol viene antes que la piedra, el árbol es más hermoso que la piedra
En Sofia el árbol y el hombre se mezclan
El álamo especialmente
Siempre a punto de entrar en tu habitación
sentarse en la alfombra roja ...
¿Es Sofía una gran ciudad, me preguntas?
Las ciudades, mi amor, son grandes no por sus calles
Son por los poetas cuya estatua erigieron
Sofía es una gran ciudad ...
Aquí cuando llega la noche todos se derraman en las calles
Mujeres, niños, ancianos y jóvenes
Risas, ruidos, un zumbido
un rumor de ida y vuelta
Uno al lado del otro, del brazo, de la mano ...
En Estambul, en Chehsadebachi, en las noches de Ramadán
- No has conocido esa época, Munevver -
Solíamos caminar así.
Pero esos días terminaron
Si estuviera en Estambul ahora
¿siquiera lo pensaría?
Pero lejos de Estambul
Todo para mí es un pretexto para la nostalgia,
Incluso la sala de visitas de la prisión de Uskudar.
Entré a Sofía un día de primavera, mi amor
La ciudad donde naciste huele a tila
No podría describirte la recepción de tus conciudadanos,
La ciudad donde naciste es para mí la casa de un hermano.
Pero la casa de un hermano no te haría
olvidar tu propia casa
El exilio es un trabajo duro, muy duro.